Malgré ma définition de blogueur méchant et mesquin - prise au pied de
la lettre par certains - il m'arrive d'être un gentil garçon. À titre
d'exemple, lorsque j'offre mes services comme conducteur pour Allo-Stop,
j'essaie d'être sympathique et intéressant pour mes passagers.
Lors
de mon dernier voyage Québec-Rimouski (il y a deux semaines), une
passagère m'avait dit que j'étais vraiment cool et que ça faisait
changement des conducteurs habituels d'Allo-Stop qui étaient souvent
bizarres. Selon ses dires, certains sentaient l'encens, d'autres
parlaient pendant des heures de trucs vraiment ennuyants tels que leurs
collections de cartes de hockey. Ces détails m'apparaissaient
plausibles, mais je réalisais par contre que certains passagers étaient
tout aussi déconcertans en posant des questions comme : "Est-ce que
c'est moi qui pue le swing?"...
Vendredi PM, 4 mai 2007, j'ai eu l'occasion d'offrir le transport à un autre de ces passagers de type "pas trop souvent s.v.p."
Le
type en question se nomme Martin. Dès le premier contact, je me dis
qu'il y a quelque chose qui cloche avec ce garçon qui a l'air d'un
autiste ou, à tout le moins, d'un débile léger. Il semble tout de même
pacifique et cordial et je me dis qu'il devrait fermer sa gueule
puisqu'il me mentionne qu'il désire prendre place à l'arrière du
véhicule pour faire un somme pendant le voyage.
Entre 16h et 19h,
je réaliserai que le dit somme n'était pas si nécessaire. J'apprendrai
tout d'abord que cet homme dans la mi-quarantaine fait carrière dans le
domaine des gouttières. Deux de ses frères sont millionaires et ont fait
fortune avec un concept révolutionnaire de gouttières. Étant donné
qu'il fait appel à un transport cheap comme Allo-Stop (16$ pour les 300
km qui séparent Québec de Rimouski: 10$ pour moi, 6$ pour Allo-Stop) je
me dis que le gars ne doit pas être fortuné, je lui demande donc
pourquoi ses frères ne lui ont pas offert une bonne job dans leur
compagnie. Il me répond qu'il a sa propre compagnie et que ses affairs
marchent bien...
J'apprends également que sa famille réside dans
la région de Rimouski, mais que lui travaille à Québec et ne retourne
dans sa famille qu'une fois par mois. D'ailleurs, parlant de lieu de
résidence, il me précise qu'il a acheté sa maison 20 000$ il y a 9 ans
mais qu'il pourrait aujourd'hui la revendre 150 000$...??? Je lui
demande si c'était un taudis. Il me répond que non, c'est au contraire
une très belle maison de deux étages sur laquelle il n'a pas eu de
rénovations majeures à faire. Je ne comprends absolument rien mais je
décide de ne pas trop m'obstiner puisque ça ne donnerait assurément rien
de le traiter de menteur et de le voir piquer une crise d'autiste
(i.e. ouvrir la porte du char et se pitcher dehors).
J'apprends
également que Martin a deux jeunes enfants qui ont 4 et 6 ans (je
crois). Comme il avait mentionné précédemment qu'il ne retournait chez
lui qu'une fois par mois, je lui mentionne ma surprise à savoir qu'il ne
voit pas ses flots plus fréquemment. Il me répond qu'il est sur le
chômage l'hiver et que ça compense.
Plus tard, j'apprends que sa
famille lui tient à coeur, puisqu'il est en train de se faire un
cinéma-maison d'une valeur de 10 000$ dans le sous-sol de sa maison.
Considérant que ce garçon est bien trop idiot pour s'asseoir 2 heures de
temps devant un film et comprendre le fil conducteur de l'histoire, je
lui demande s'il écoute assez de films pour justifier un pareil achat.
Il me dit que le cinéma-maison visera d'abord et avant-tout à permettre
aux enfants de jouer au Playstation (ils ont 4 et 6 ans, what the
fuck??) Comme si ce n'était pas assez, il ajoute qu'il vise à installer
des sièges qui bougent pour maximiser le plaisir.
Ensuite,
j'apprendrai tout au long de plusieurs longs monologues, sans répartie
de ma part ou de celle d'un autre passager, que Martin s'est pris 20
000$ de REER ici, qu'il a d'autres investissements là, qu'il a fait un
bon coup en achetant du plancher de bois franc au prix d'un plancher de
bois flottant et un million d'autres détails du genre pour nous faire
part de l'éclat de ses finances personnelles.
À un moment donné,
exaspéré de l'entendre m'énumérer toutes ses possessions, tous ses
investissements, toute l'étendue sa fortune, je lui dis: "En tout cas,
je serai pas gêné en osti de te demander ton 10$ tantôt!".
Et
malgré tous ces détails financiers plus incroyables les uns que les
autres, notre acolyte prend allo-stop pour retourner chez lui. Malgré un
10 000$ en supposé fucking cinéma-maison et plusieurs milliers de
dollars investis ailleurs, cet hurluberlu ne veut pas dépenser plus que
10$ pour retourner chez lui en utilisant Allo-Stop.
J'y ai
repensé plusieurs fois tout au long de la fin de semaine, et
franchement, je m'en veux de ne pas lui avoir dit de fermer sa gueule et
que ses histoires ne tenaient pas debout. T'es rien qu'un criss de
mongol qui fabule, Martin.
Au moins, avec tout ça, je peux
ajouter de la précision dans l'ordonnancement des catégories de
personnes les plus étranges que j'ai pu côtoyer de près dans ma vie :
3-Les employés baby-boomers de la fonction publique
2-Les passagers d'Allo-Stop
1-Les robineux de la rue St-Jean qui s'asseyaient à côté de moi lorsque j'étais musicien de rue l'été dernier
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