lundi 30 juillet 2007

Déloger des quêteux

La rue St-Jean était assez peu animée ce dimanche soir. J'étais arrivé vers 18h et déjà, selon le nombre restreint de passants, j'évaluais que la soirée allait être peu payante... Mais parfois, on est surpris de la tournure des événements, il est donc toujours permis d'espérer.

Je m'installe et débute mes prestations. Je pense être assez en forme ce soir là. Pas mal plus en forme que le maigre résultat obtenu me donnera l'impression d'avoir été. C'est ça le risque de l'argent reçu, ça devient tellement une preuve d'appréciation que lorsqu'on n'en reçoit pas beaucoup, on le prend quasiment personnel.

Vers 19h, le tit-coune musicien de rue (que je méprise le plus parmi tous mes confrères, même plus que le monsieur mêlé qui chante "Le petit train du Nord" sur la terrasse Dufferin) est arrivé et a pris place à côté de moi. Il voulait prendre le spot. Je lui ai dit de revenir vers 19h30 et que j'allais lui laisser la place à ce moment là.

Comme il n'y a pas grand chose de plus tenace qu'une mouche à marde, il est bel et bien revenu vers 19h28 pour quérir l'endroit convoité. J'ai donc ramassé mes affaires. Et même si j'avais reçu très peu d'argent, il faisait beau et j'avais le goût de continuer. Ainsi, j'ai poursuivi mon chemin jusqu'aux portes St-Jean pour voir si ce spot qu'on dit très payant était libre.

Arrivé là-bas, je vois qu'un genre de clown qui se met à bouger lorsqu'on lui donne de l'argent est à l'endroit désigné par la ville. Je suis un peu confus à la vue de ce clown qui est dans un spot désigné comme étant pour les musiciens de rue. Mais comme je n'ai pas ma carte des spots avec moi pour me confirmer mon impression et que le gars a plusieurs passants autour de lui, je décide de lui sacrer la paix et de revenir sur mes pas, pour aller à l'autre emplacement, devant l'Inter-Marché.

Je m'asseois et sors ma guitare. Trois filles sont assises sur un banc à moins de 5 mètres de moi. La plus dégueulasse des trois vient me voir et un sympathique dialogue débute:

Grosse quêteuse sale: "Hey tu vas pas commencer à jouer de la guitare là?"
Moi: "Ben oui"
Grosse quêteuse sale: "Ben là, on est en train de quêter nous autres!"
Moi: "Avez-vous payé pour ça? Avez-vous un permis?"
Grosse crisse de quêteuse sale: "Oui on a mis de l'argent dans le parcomètre de l'autre bord de la rue..."
Moi: "Ben oui c'est ça, regarde moi j'ai payé un permis pis tous les autres spots sont pris ça fait que je me place ici..."
Grosse crisse de quêteuse sale: "Osti que t'es con".
Moi: probablement quelque chose comme "Hey toé calisse! R'garde, vas quêter ailleurs, toi tu peux aller n'importe où, moi c'est réglementé mon affaire"
Grosse crisse parlant avec son amie itinérante sale et percée partout: "Osti qu'il est con, blablablabla"
Moi: "R'garde osti, si t'avais eu une attitude un peu moins cave peut-être que je te l'aurais laissé 15 minutes de plus le spot, mais t'es tellement innocente que je commence tu suite!"
Échange de regards assassins de part et d'autre
La grosse criss de marginale sale et son amie finissent par sacrer le camp en marmonnant quelques injures que je leur renvoie avec hargne et mépris.

Et évidemment, après une discussion comme ça, même si la fille sacre son camp, ça coupe mon mood ben raide. Déjà que j'ai à peu près juste 4 piastres dans mon étui, faut que je m'ostine avec un détritus humain qui quête (alors que tous les criss de commerces du coin cherchent du personnel).

Je ne jouerai que 20 ou 30 minutes de plus, le temps de me faire un 25 cents de plus. Puis je ramasserai mes affaires et crisserai mon camp, me disant que c'était une des pires soirées de ma carrière de musicien de rue.

Je repasse devant ti-coune qui a pris mon spot plus tôt dans la soirée. Je suis saisi d'un fou rire à sa vue puisqu'il se balance vigoureusement la tête de gauche à droite et de haut en bas, comme un véritable cocainomane fini, en jouant ses chansons. Même s'il a fait son 45 minutes et que je le méprise assez pour retourner réclamer l'endroit juste pour l'écoeurer un peu, c'est assez pour moi. Trop de gens désagréables ou méprisables et pas assez d'argent en cette soirée pourtant chaude et confortable.

Je retourne chez moi en maudissant le taux de change, unique bouc-émissaire de mon malheur. Je fais mon décompte: 4,89$.

Ma deuxième pire soirée à vie à Québec, en 3 ans.

samedi 28 juillet 2007

Sending our an SOS

Étiez-vous là en 1983, lors de la dernière tournée de The Police?

Pas moi. Je n'avais que 4 ans à l'époque et j'écoutais principalement mes disques de Passe-Partout ou de Goldorak dans ce temps-là. Ce n'est que vers le début des années 90 que j'ai commencé à bien connaître et surtout apprécier ce groupe. Je me rappelle toutes les cassettes VHS et même BETA sur lesquelles j'avais enregistré plusieurs vidéos qui passaient à Musique Plus. Je me rappelle surtout que ces cassettes là, je les ai écoutées des dizaines de fois en me disant que cette musique là était vraiment hallucinante...

Un peu plus tard, j'ai commencé à jouer de la guitare en pratiquant la chanson "Message in a bottle" (que j'écoutais régulièrement sur mes cassettes audio et vidéo). J'ai trippé à fond sur un paquet de leurs chansons, écoutant leur coffret rassemblant toutes les chansons enregistrées par le groupe de 1977 à 1986. À mon avis, même sans être un fan du groupe, on ne peut pas faire autrement que de les placer dans le top 10 des plus grands groupes de tous les temps (Beatles, Rolling Stones, Led Zeppelin, Pink Floyd, U2, Genesis, Queen, ... The Police est probablement en 8 ou 9ème position).

Ceci étant dit, jeudi le 26 juillet 2007, par une très chaude journée d'été où la température était de 37 degrés celcius avec le facteur humidex, je me suis rendu au Centre Bell. J'allais enfin me servir de mon billet de spectacle, plus de 5 mois après l'achat.

Nous arrivons vers 19h au Centre Bell. On prend place à nos sièges situés dans les loges (bancs rouges), à une hauteur moyenne, mais presque à l'autre extrémité de l'aréna (bref, en face de la scène). En attendant le début du spectacle, Patachou et moi discutons de tout et de rien. On entend des gens commander de la bière et on apprend que le coût de deux bières est de 18,50$. Parlez-moi d'une marge de profit raisonnable. Comme le fait remarquer Patachou, à ce prix là, tu fais attention pour pas la vomir, ta bière...

Vers 19h30, le groupe Fiction Plane (assurant la première partie) monte en scène. Le groupe est mené par Joe Sumner, le fils de Sting. J'étais très curieux de voir (et d'entendre) ce groupe bien que je savais que c'était plutôt alternatif comme musique.

Ce fut intéressant pour les 2 ou 3 premières chansons. Après coup, ça devint assez vite ennuyant, voire emmerdant. Surtout que le groupe avait la mauvaise habitude d'étirer certaines des ses chansons de façon abusive. Particulièrement le bout où le chanteur n'a cessé de dire "Fuck yourself and fuck your cigarette" pendant au moins 3 minutes. Si je me souviens bien, la foule du Centre Bell a éjaculé en choeur en entendant ces "Fuck", comme quoi il n'y a rien de mieux qu'un mot vulgaire pour animer une foule.

Après 45 ou 60 minutes, nous étions débarrassés de ce groupe qui ne passera probablement jamais à l'histoire.

Vers 20h45, avec la chanson "Get up, Stand up" de Bob Marley qui jouait en trame de fond, le groupe The Police est entré en scène sous des applaudissements excessivement chaleureux de la part de la foule. On aurait vraiment dit que 20 000 personnes attendaient le groupe depuis 25 ans.

Le guitariste (Andy Summers) a, dès son entrée en scène, commencé à jouer les notes de "Message in a bottle". Je capotais. J'étais dans la même pièce que Sting! Je ne suis vraiment pas du type groupie, étant un garçon plutôt désillusionné et cynique par rapport à bien des choses qui constituent l'humanité. Mais là, j'étais à peut-être 100 mètres de Sting. J'étais dans un genre d'état second, comme un gars qui a écouté "Message in a bottle" depuis 15 ans sans jamais s'en tanner. Et surtout, comme un gars qui connait presque tout de l'histoire du groupe et de leurs chansons.

J'ai crié toutes les paroles de presque toutes les tounes du spectacle. J'ai vraiment trippé pendant la partie "Regatta de blanc" incorporée à "Can't stand losing you". Je me rappelais les vidéos des années 70 ou Sting hurlait "iyoooo iyééééé, iyé yo!" et je criais autant que lui. C'était capoté en sacrament, j'avais quasiment l'impression de reprendre le temps perdu des 25 dernières années.

Les moments les plus marquants pour moi ont été ceux où je me suis rendu compte que pratiquement toute la foule du Centre Bell chantait avec le groupe. Entre-autres, j'ai capoté pendant "Walking on the moon" (qui n'est vraiment pas ma chanson préférée) lorsque tout le monde chantait "iyooo iyooo yo yo yo" en accompagnement. Avec la lumière bleuetée qui donnait une impression de pleine lune, c'était complètement débile. Même impression pendant "Wrapped around your finger", qui n'est pas non plus une de mes chansons préférées, mais que j'ai adorée en version Live. Le batteur (Stewart Copeland) avait un kit de percussion vraiment génial qui a beaucoup ajouté à cette chanson.

Les moments les plus faibles ont, à mon avis, été les chansons "When the world is running down, you make the best of what's still around", "Driven to tears" et "The bed's too big without you". J'apprécie ces chansons lorsque je les écoute, mais ces pièces sont assez peu connues et étaient beaucoup trop étirées. On aurait dit que le groupe mettait l'accent sur les morceaux les moins connus et les moins appréciés, en prolongeant par des solos pas très bien exécutés de la part d'Andy Summers (qui est un bon guitariste pour le rythmique mais qui est par contre très limité pour les solos). La chanson "The bed's too big without you" manquait particulièrement de dynamisme à mon avis et a beaucoup trop été étirée. J'aime cette chanson, mais en version live, dans les années 70 comme en 2007, elle n'a jamais été bonne.

Mais je chiale pour chialer. Car aucun moment du spectacle n'a été ennuyant ou franchement mauvais. Et quand le groupe est revenu avec "Every little thing she does is magic" après quelques chansons moins accrochantes, la foule était vraiment enflammée. La version modifiée de la chanson avec une intro à la guitare était vraiment géniale. Toute la foule (ou presque) a chanté. Et moi j'ai crié les paroles jusqu'à la fin, jusqu'à en perdre la voix.

Au final, ils auront joué tous leurs succès, excepté "Spirits in the material world".

On n'était peut-être plus en 1979 avec leur énergie presque sans limites, mais pour des gars de 55 à 64 ans, ils rockaient en tabarnac.

Grâce à tous ces gens qui trainent un cellulaire ayant la fonction vidéo, je suis en mesure de vous partager:

Les meilleurs moments:

Message in a bottle
Walking on the moon
Wrapped around your finger
Every little thing she does is magic
Can't stand losing you / Regatta de blanc (pour les vrais fans de longue date)
King of pain
Every breath you take

Les moins bons moments:

Driven to tears
When the world is running down, you make the best of what's still around
The bed's too big without you

mercredi 18 juillet 2007

Musique et suicide

Hier soir, je me suis à nouveau rendu à Québec pour jouer un peu de musique. Comme mon sous-marin Subway m'avait coûté 8,19$, je me devais de récolter au moins cette somme pour rentrer dans mes frais.

Arrivé sur place, je vois que le guitariste de flamenco (qui m'avait serré la pince en mai) est à mon spot habituel. Je lui demande poliment s'il en a encore pour longtemps. Il me répond qu'il devrait partir dans 15 minutes. Je profite de ce léger délai pour me diriger vers le cimetière anglais, juste en arrière, pour accorder ma guitare. Je passe donc les 15 prochaines minutes dans ce lieu étrange. Après l'accord de ma guitare, j'ai un peu de temps libre pour contempler la décrépitude humaine dans toute sa splendeur: un gars est couché en dessous d'un banc de parc à 17h30. Il doit être complètement défoncé au crack ou à l'héroine. C'est de toute beauté. Dans un autre coin du cimetière, un gars est en train de remettre ses culottes et de remonter son zipper. Vient-il de pisser dans le cimetière?

Je suis donc là, debout, à regarder tout ce monde là autour et à me demander dans quelle dimension je suis rendu. Probablement qu'ils pensent que je suis un enquêteur de police déguisé en musicien de rue qui les étudie pour les inculper...

Heureusement, le guitariste de flamenco ramasse bientôt ses affaires et je me précipite vers le spot laissé libre, comme un vautour. Pendant qu'il ramasse ses affaires, j'en profite pour jaser un peu avec lui. Il est bien sympathique et il me parle de ses moyennes de récoltes. Ça semble ressembler pas mal à ce que je me fais moi aussi (10 ou 15$ en moyenne). Par contre, son plus gros billet reçu en est un de 20$ alors que pour ma part, mon plus gros don fut de 5$.

La soirée se déroule plutôt bien. Je me rends compte que ma nouvelle toune de Cat Stevens pogne pas mal chez les passants ("On the road to find out") et je me devrai de l'apprendre par coeur au lieu de répéter toujours les mêmes lignes à l'avenir. La soirée commence une fois de plus en puissance pour devenir comateuse après environ 30 minutes. Puis, après au moins une heure de tranquilité excessive, les passants recommencent à me donner un peu d'argent (ce fut sans contredit ma soirée où le nombre de dons - pas le montant total - fut le plus élevé depuis le début de la saison 2007).

Je terminerai ma soirée avec 16,25$ dont beaucoup de petite monnaie cette fois. Et j'aurai joué de 17h30 à 19h45 environ.

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En revenant chez moi, ma mère m'a appelé pour m'annoncer que Maxime, mon ancien voisin de St-Rédempteur, s'était suicidé tout récemment. Pauvre Maxime. Je ne l'avais pas revu depuis des années, mais ça me peine de savoir qu'un jeune diplômé en ingénierie, qui venait de terminer son baccalauréat, ait décidé de s'évaporer comme ça dans le néant. Ce qui me trouble le plus, c'est qu'il était plus jeune que moi et que je gardais le souvenir du petit gars de 6 ou 7 ans qu'il était lorsqu'il est déménagé. Bref, pendant une partie de la soirée d'hier, j'ai eu l'image d'un garçon de 7 ans aux cheveux frisés qui décide de s'accrocher après une poutre de sa cave parce qu'il vient de réaliser toute l'étendue de l'absurdité de l'existence. Salut mon garçon.

jeudi 12 juillet 2007

Assumer son rôle de parrain

Mardi soir, en revenant de ma soirée de musique à Québec, je suis passé chez mes parents pour prendre Thomas, mon filleul de presque 6 ans. Il venait passer la nuit chez moi et j'allais m'en occuper durant une partie de la journée de mercredi, histoire de reserrer les liens familiaux.

Pendant le court chemin qui séparait la maison familiale de ma demeure, Thomas m'a parlé de quelques trucs qui m'ont bien amusé et m'ont fait réaliser qu'il avait vieilli. Entre-autres, il m'a parlé de dents de bébé et de dents d'adulte. Il me demandait si à 12 ans, on avait toutes nos dents d'adulte. Je lui ai répondu que oui, selon moi. Je me demandais pourquoi il spécifiait précisément l'âge de 12 ans et j'ai appris tout de suite après que Cynthia, la soeur de son ami Patrick, avait 12 ans et qu'il la trouvait belle.

Plus tard, avant de se brosser les dents, il voulait savoir si mon amoureuse utilisait ma pâte à dents quand elle venait chez moi. Quand je lui ai répondu que oui, il a décidé de laisser tomber sa pâte à dents de spiderman pour prendre la mienne (celle de mon amoureuse surtout). Je trouvais ça pas mal drôle de voir son rapport avec les filles qu'il trouvait jolies. C'était détourné et délicat.

Puis, nous sommes allés nous coucher. Et pendant que j'étais couché à côté de lui dans le lit, je le regardais et je me suis mis à me sentir à sa place. Je me revoyais à presque 6 ans, à commencer à prendre conscience de plein de choses, à réfléchir par moi-même et à me poser plein de question sur la vie en général. Et c'est là, entre 22h et 22h30, que le temps qui passe m'a explosé en pleine face (juste avant d'écrire mon dernier résumé de soirée musicale à Québec).

Surtout parce que Thomas me ressemble beaucoup quand j'étais petit. Je me sentais donc comme si j'étais couché dans le même lit que moi-même, 22 ans plus tôt. Est-ce que Thomas allait marcher dans les mêmes traces que moi? Est-ce qu'il allait arriver à la même place que moi dans 22 ans? Est-ce que je méritais vraiment d'être considéré comme un modèle pour un petit gars de 6 ans qui parle de son "mononcle" comme étant un adulte qui tient les rênes de son existence et fait telle ou telle affaire qui mérite d'être racontée à ses petits amis? Bref, j'étais troublé de me rendre compte, une fois de plus, que le temps qui passe ne nous rendra jamais vraiment exceptionnels, même si c'est l'impression qu'on a quand on est petits.

Et le lendemain, lorsque je nous ai fait un bon milk-shake avec de la crème glacée et des fruits, toutes ces questions là s'étaient envolées. Parce qu'on ne se pose jamais autant de questions à la lumière du jour.

mardi 3 juillet 2007

Le dernier mongo de Rimouski

Une des grandes règles de la vie est que si on obtient 3 passagers avec Allo-Stop, il y en aura au moins un qui sera asocial, dysfonctionnel ou pire: mongo. Lundi après-midi, je mentionnais d'ailleurs cette théorie personnelle à mon premier passager, tout juste avant d'en prendre un deuxième à un dépanneur de Rimouski.

En arrivant au dit dépanneur, je vois un gars qui semble attendre son lift. C'est mon homme. C'est Denis (histoire de donner une idée à certains d'entre vous, le type ressemble étrangement à Gharl - sans vouloir lui manquer de respect). Il a l'air correct, mais dès qu'il ouvre la bouche, je me rends compte qu'il y a quelque chose qui cloche. Il bégaye fortement et ne semble s'en aller nulle part avec ses interventions du genre: "Heeeeeeeey, le ga-ga-ga-gars qui qui est aaaaaassis en avant c'est tu ton ton ton ton ami?" (il me dit ça en riant et sur un ton bizarre, comme s'il voulait sous-entendre que c'était mon ami gai... ?) Je lui mentionne que c'est un autre passager d'Allo-Stop et qu'on va en prendre un troisième à Trois-Pistoles. Il embarque et je suis à la fois satisfait et malheureux de constater que ma théorie a été validée moins de 2 minutes après l'avoir énoncée.

Premières discussions de convenance du style: "Qu'est-ce que tu fais dans la vie toi mon Denis?"

Il me répond qu'il est sur le chômage et qu'il a une personnalité de type artistique. Je lui demande de préciser les arts qu'il affectionne: peinture, musique, poésie? Il me dit qu'il est du type chanteur. Je ressens immédiatement de gros doutes sur la véracité de sa réponse.

Comme bien d'autres fois avec ce type de personne, une fois qu'on a entâmé la discussion, ça n'arrête plus. Donc, s'exprimant fortement, bégayant, s'esclaffant sans raison, le gars me raconte un peu son existence. Je comprends très vite que ça ne s'en va nulle part et comme ce nouvel ami n'arrête pas de jaser de façon très sonore et décousue, je finis par dire que c'est très intéressant tout ça et je monte le volume de mon disque de GOWAN à assez fort volume. Quoi de mieux que la chanson "Strange Animal" pour étouffer le bruit d'un mongo qui délire?

Denis met alors son walkman sur ses oreilles et commence à écouter à très fort volume de la musique qui s'apparente aux Wilson Philipps ou à un quelconque autre groupe de musique préconisant les harmonies vocales féminines sur de la musique pop. Nous avons la paix.

Pour le reste du voyage, quelques interventions sporadiques de Denis eurent lieu. La plus représentative des troubles de ce garçon survint lorsque nous vîmes une pancarte annonçant Trois-Pistoles et Rivière-du-Loup.

Denis s'écria alors: "AHAHAHAHAHA TROIS-PISTOLES AHAHAHAHAHAHA.... PIS RIVIÈRE-DU-LOUP AHAHAHAHAHA". Je me tourne alors vers lui et lui dit: "Quessé qu'ya? Tu trouves ça drôle ces noms là?" Il me répond de façon assez confuse que sa soeur a déjà sorti avec un gars de Trois-Pistoles qui s'appelait Georges Foisy (ou quelque chose du genre), qu'il avait fait quelque chose de pas correct à sa soeur et qu'il ressemblait à un Paul, sur une pochette de disque quelconque. Il me précise qu'il surnomme le Georges en question "Le gros Paul" étant donné cette ressemblance, et qu'il allait me montrer sa maison une fois rendu à Trois-Pistoles. Je remonte le son de la radio.

En prenant le troisième passager à Trois-Pistoles, Denis lui adresse la parole en lui demandant s'il a déjà entendu parler de sa soeur qui est supposément connue à Trois-Pistoles. Le dernier passager répond par la négative. Dans mon rétroviseur, je croise les yeux du nouveau passager qui semble avoir réalisé lui aussi que quelques écrous sont mal ajustés dans la cervelle de notre ami. Comme Denis a reparti son greatest hits des Wilson Philipps (ou autre), le nouveau passager me rassure en me disant que tout est sous contrôle à l'arrière du véhicule.

Soudainement, Denis arrête son walkman qui jouait à tue-tête et s'écrie: "HEY HEY HEY regarde là-bas, regardes la maison grise et beige! Regardes! Regardes! Regardes! C'est elle la maison du gros Paul ahahahahahahaha! Je le dis à tout le monde pis j'espère qu'un jour y'a quelqu'un qui va lui règler son compte ahahahahaha!" (ajoutez du bégaiement ainsi que l'excitation d'un enfant de 5 ans là-dedans). Devant tant de débilité, je dis quelque chose comme "Ah bon" et je remonte le son de la radio.

Le reste du parcours se déroula sans problèmes. L'absence de discussion entre les passagers empêcha sans doute Denis de se mêler à un échange verbal quelconque.

Et le nom de Denis s'ajoute maintenant à celui de Martin et celui de Catherine comme étant des gens dont le transport nécessiterait une charge supérieure à 10$.