"Cette semaine, j'étais en tabarnac. Mon toit de cabanon a sacré le camp
par un soir de grand vent. Quand c'est arrivé, la meilleure chose que
je pouvais faire, c'est de downloader la chanson "Chante la ta chanson"
et l'écouter le plus de fois possible. Ça fait que je l'ai gravée pis
c'est ce qu'on va écouter maintenant."
Mes deux passagers riaient
de bon coeur pendant que je racontais ce sombre récit mettant en
vedette un cabanon cheap. Et lorsque les premières notes de la chanson
ont commencé à se faire entendre, je me suis surpris à voir ma co-pilote
claquer des doigts et mon passager d'en arrière sourire en semblant
marquer la mesure de cet air égayant.
"Chante la ta chanson
la chanson de ton coeur, la chanson de ta vie
Chante la ta chanson
L'oiseau le fait, le vent le fait, l'enfant le fait aussi..."
Après avoir chanté tous les refrains de la chanson avec moi, ma co-pilote s'écria: "C'est Jean Lapointe qui chante ça!"
"Crime t'es bonne, c'est en plein ça!"(pour une floune de 19-20 ans, je trouvais effectivement qu'elle était bonne)
"Ben je suis allée au centre Jean Lapointe!" me répondit-elle.
J'appris,
au fil de l'heure qui suivit, que cette passagère trainait un lourd
passé derrière elle. En fait, la chanson la plus adéquate pour elle
aurait probablement été "Déliquance" des Vilains Pingouins. D'ailleurs,
lorsque je dépassai un gros camion en m'exclamant "C'est le fun dépasser
un gros camion!", elle me dit qu'elle avait déjà fait une fugue dans un
pareil engin et que ça avait été vraiment cool.
J'appris
également qu'elle n'avait pas touché à la drogue chimique depuis 3 mois,
mais qu'elle fumait quotidiennement son ou ses joints. Hugo, l'autre
passager, lui dit qu'il vendait du pot et lui proposa de faire appel à
son coloc pour s'approvisionner en drogue. Mon véhicule était devenu un
lieu de transaction.
Comme j'étais supposément un chauffeur
amusant avec mes répliques et mon choix musical, Cathou la droguée me
dit que c'était la première fois qu'elle embarquait avec quelqu'un
d'aussi cool. Les chauffeurs d'Allo-Stop sont souvent d'étranges
phénomènes qui sentent l'encens ou qui parlent de leur collection de
carte de hockey, me dit-elle. Je devenais chummy bien malgré moi avec
cette jeune femme qui prenait de plus en plus ses aises.
Parce
qu'après "Chante la ta chanson", elle me demanda si je connaissais
l'artiste Mika (?). Je répondis que non, ne connaissant vraiment pas
beaucoup la musique actuelle. Elle me proposa d'écouter son CD, sans
doute plus ou moins intéressée par la musique qui jouait sur mon CD
gravé. Et suite à cette offre, elle me demanda si je faisais des arrêts
sur le chemin de Rimouski. Je répondis que non, mais comme elle me fit
part qu'elle avait faim et qu'elle aimerait arrêter chez McDo à La
Pocatière pour s'acheter un McFlurry aux Oréos, je décidai d'être cool
et d'accepter. Après tout, cette jeune rebelle pourrait devenir
agressive en chemin si je ne collaborais pas.
Comme elle trainait
avec elle un petit poisson dans un sac d'eau, j'appris que son chum
était un type étrange qui passait beaucoup de temps dans les animaleries
à se magasiner des poissons voraces qui s'attaquaient et/ou se
mangeaient entre eux. Elle m'affirma qu'elle était au départ horrifiée
mais qu'elle avait pris goût à cette activité et trouvait maintenant le
tout fort amusant. Comme le poisson n'avait pas de nom, je proposai à
mes deux passagers de lui trouver un nom d'ici la fin du trajet. Après
un peu de cogitation, nous nous en remimes à la radio en choisissant le
premier prénom mentionné. Le hasard fit en sorte que Gaétan fut retenu.
À un moment donné, elle se tourna vers moi et me demanda: "Es-tu honnête?"
Embarrassé, je répondis "Euh, ben oui...?'"
Elle me demanda alors si c'était elle qui sentait le swing.
Me
sentant les aisselles, je dis "Ben je pense pas que ce soit en tout cas
(bien que je puai légèrement à cause de la chaleur qui régnait à
l'intérieur de la voiture)".
Et elle ajouta "Je suis sûre que c'est moi, je me sens..."
Je ne m'obstinai point. Après tout, elle avait le profil pour puer.
J'avais voulu être un peu trop amical avec mes deux passagers et c'était là que ça m'avait mené.
Je
les dompai à Rimouski, ne prenant pas la peine de prendre leurs numéros
tel qu'ils me l'avaient suggéré (pour planifier ensemble mes prochains
départs). Hugo me manquera, mais je crois que le reste de ma vie se
déroulera très bien sans la proximité de Cathou.
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