La semaine dernière, je me réveillais en pensant à Philippe. Je ne sais
pas pourquoi je pensais à lui comme ça puisque ça ne m’arrive que
rarement.
Mon sentiment était flou car ça se passait durant la
période entre le sommeil et l’éveil. Mais je me rappelle avoir été
triste ou mélancolique. J’imagine que je ressentais qu’il avait été mon
meilleur ami et que je n’avais toujours pas réussi à le « remplacer »
par quelqu’un avec qui j’aurais pu être aussi connecté.
Bizarrement,
en soirée de la même journée, je tombais presque face à lui au Club
Price. On ne s’est pas parlés et on ne s’est pas regardés directement
mais je suis persuadé qu’il m’a vu avant de tourner dans son allée. Le
hasard ne l’avait jamais mis sur mon chemin au cours des 10 dernières
années, mais la journée même où je pensais à lui, on se croisait.
C’était pas mal spécial...
C’est comme ça que ma vingtaine avait
commencé : en perdant mon meilleur ami. Il venait de se faire une blonde
et, comme lors de sa précédente histoire d’amour, avait arrêté de me
donner signe de vie de façon abrupte.
Histoire de ne pas aider
les choses, j’avais composé avec Dominic, notre ami commun, une chanson
intitulée « Fucking Brain ». Cette dernière faisait référence au
qualificatif employé par un militaire saoul rencontré dans un bar de
Québec pour décrire Philippe (à cause de son parcours scolaire).
Sans
la chanson, c’eut été terminé de toute façon parce que je n’aurais
peut-être revu Philippe qu’une fois par 3 mois et je ne l’aurais pas
pris. Mais je sais tout de même que Philippe n’a pas apprécié la chanson
(pas particulièrement élogieuse, mais pas vraiment méprisante non
plus). Histoire de ne pas m’aider, j’imagine que Dominic lui a dit que
j’avais tout composé moi-même ou que les passages les plus « durs »
étaient de moi. De toute façon, pour ce que ça a pu changer à
l’histoire…
Bien que je ne pense pas à Philippe à tous les jours
et que cette histoire ne hante pas mes nuits, elle a une importance
majeure dans ma vingtaine et dans la vision de la vie que je me suis
forgée. C’est avec cette tranche de vie que j’ai compris que tout
pouvait se terminer n’importe quand avec des gens chers à mes yeux.
Ma
vingtaine se termine aujourd’hui. Je me rends compte que je traîne
cette histoire là depuis 10 ans, de façon latente. Ce n’est pas un nuage
qui reste en arrière-plan lors des moments heureux, mais ça contribue
sans doute, en partie, à ma vision de la vie. J’ai connu d’autres
histoires du même type au fil des années qui ont suivi. Ce cas là a été
le premier et le plus important de tous, cependant.
Enfin, je ne
suis pas malheureux d’en arriver à 30 ans. Je me rappelle que, lorsque
j’étais plus jeune, (entre 18 et 22 ans, environ), le fait de vieillir
d’une année me déprimait. J’avais l’impression de ne pas en être rendu
au point où j’aurais voulu. J’avais la même vision que la plupart des
jeunes de 15-16 ans à propos de l’âge adulte : être casé à 18-19 ans,
avoir des enfants pas trop vieux, avoir une bonne job parce que je ne
suis pas n’importe qui, etc.
Aujourd’hui, je sais que la seule chose qui est importante, c’est de faire de son mieux dans tous les aspects de notre vie.
Je
pense que les plus belles années de ma vingtaine ont été les dernières.
À quelques exceptions près (exemple : la moitié de l’année où j’ai eu
28 ans), j’étais beaucoup plus heureux à 29 ans qu’à 21 ans. Plus on est
conscient de nos propres limites et de celles des autres, moins on est
déçu. Je crois qu’on ne devient vraiment lucide là-dessus que vers 25-26
ans. Pas au début de la vingtaine en tout cas. Je ne retournerais donc
pas en arrière, et pas seulement pour une question de lucidité.
J’ai
souvent pensé que la vingtaine était la période de la médiocrité, celle
où le béton figeait et où les gens limités le devenaient pour de bon.
Je crois encore que c’est applicable pour un certain nombre, soit ceux
pour qui la vie se résumera toujours à la blonde, l’auto et le travail.
J’ai sûrement pris certains mauvais plis au cours de ma vingtaine, mais
certains aspects de ma personnalité dont je suis le plus fier ont été
développés au cours des dix dernières années.
Ce dont je suis le
plus fier c’est d’être devenu une personne avec des intérêts étendus. Je
joue de la musique dans la rue (depuis 2005) mais je m’intéresse à la
bourse (depuis 2008). J’aime la science (depuis toujours), mais je fais
du vélo (surtout depuis 2001). Je me fais un potager (depuis au moins 10
ans) et j’ai un blog (depuis 2005). Je fais du kayak sur le fleuve
(depuis 2009) et je suis abonné à la bibliothèque (depuis 2003?). Je
pense être assez fonceur et avoir plus d’audace que la majorité des
gens. Je suis capable d’analyser les événements de la vie à ma façon,
sans reprendre le mode de pensée d’un journaliste, d’un artiste ou d’un
quelconque leader.
Le fait que je sois ainsi ne mérite pas
d’éloges, ne sauve la vie à personne et ne donne pas de sens à
l’existence de qui que ce soit, excepté à la mienne. Mais à défaut
d’être une vedette ou une personne importante, je n’ai pas l’impression
d’être une personne « moyenne ». Et je crois que c’est au courant de ma
vingtaine que j’ai développé une partie appréciable de ce qui fait de
moi une personne à l’aise avec ce qu’elle est.
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