vendredi 15 mai 2009

La trentaine

La semaine dernière, je me réveillais en pensant à Philippe. Je ne sais pas pourquoi je pensais à lui comme ça puisque ça ne m’arrive que rarement.

Mon sentiment était flou car ça se passait durant la période entre le sommeil et l’éveil. Mais je me rappelle avoir été triste ou mélancolique. J’imagine que je ressentais qu’il avait été mon meilleur ami et que je n’avais toujours pas réussi à le « remplacer » par quelqu’un avec qui j’aurais pu être aussi connecté.

Bizarrement, en soirée de la même journée, je tombais presque face à lui au Club Price. On ne s’est pas parlés et on ne s’est pas regardés directement mais je suis persuadé qu’il m’a vu avant de tourner dans son allée. Le hasard ne l’avait jamais mis sur mon chemin au cours des 10 dernières années, mais la journée même où je pensais à lui, on se croisait. C’était pas mal spécial...

C’est comme ça que ma vingtaine avait commencé : en perdant mon meilleur ami. Il venait de se faire une blonde et, comme lors de sa précédente histoire d’amour, avait arrêté de me donner signe de vie de façon abrupte.

Histoire de ne pas aider les choses, j’avais composé avec Dominic, notre ami commun, une chanson intitulée « Fucking Brain ». Cette dernière faisait référence au qualificatif employé par un militaire saoul rencontré dans un bar de Québec pour décrire Philippe (à cause de son parcours scolaire).

Sans la chanson, c’eut été terminé de toute façon parce que je n’aurais peut-être revu Philippe qu’une fois par 3 mois et je ne l’aurais pas pris. Mais je sais tout de même que Philippe n’a pas apprécié la chanson (pas particulièrement élogieuse, mais pas vraiment méprisante non plus). Histoire de ne pas m’aider, j’imagine que Dominic lui a dit que j’avais tout composé moi-même ou que les passages les plus « durs » étaient de moi. De toute façon, pour ce que ça a pu changer à l’histoire…

Bien que je ne pense pas à Philippe à tous les jours et que cette histoire ne hante pas mes nuits, elle a une importance majeure dans ma vingtaine et dans la vision de la vie que je me suis forgée. C’est avec cette tranche de vie que j’ai compris que tout pouvait se terminer n’importe quand avec des gens chers à mes yeux.

Ma vingtaine se termine aujourd’hui. Je me rends compte que je traîne cette histoire là depuis 10 ans, de façon latente. Ce n’est pas un nuage qui reste en arrière-plan lors des moments heureux, mais ça contribue sans doute, en partie, à ma vision de la vie. J’ai connu d’autres histoires du même type au fil des années qui ont suivi. Ce cas là a été le premier et le plus important de tous, cependant.

Enfin, je ne suis pas malheureux d’en arriver à 30 ans. Je me rappelle que, lorsque j’étais plus jeune, (entre 18 et 22 ans, environ), le fait de vieillir d’une année me déprimait. J’avais l’impression de ne pas en être rendu au point où j’aurais voulu. J’avais la même vision que la plupart des jeunes de 15-16 ans à propos de l’âge adulte : être casé à 18-19 ans, avoir des enfants pas trop vieux, avoir une bonne job parce que je ne suis pas n’importe qui, etc.

Aujourd’hui, je sais que la seule chose qui est importante, c’est de faire de son mieux dans tous les aspects de notre vie.

Je pense que les plus belles années de ma vingtaine ont été les dernières. À quelques exceptions près (exemple : la moitié de l’année où j’ai eu 28 ans), j’étais beaucoup plus heureux à 29 ans qu’à 21 ans. Plus on est conscient de nos propres limites et de celles des autres, moins on est déçu. Je crois qu’on ne devient vraiment lucide là-dessus que vers 25-26 ans. Pas au début de la vingtaine en tout cas. Je ne retournerais donc pas en arrière, et pas seulement pour une question de lucidité.

J’ai souvent pensé que la vingtaine était la période de la médiocrité, celle où le béton figeait et où les gens limités le devenaient pour de bon. Je crois encore que c’est applicable pour un certain nombre, soit ceux pour qui la vie se résumera toujours à la blonde, l’auto et le travail. J’ai sûrement pris certains mauvais plis au cours de ma vingtaine, mais certains aspects de ma personnalité dont je suis le plus fier ont été développés au cours des dix dernières années.

Ce dont je suis le plus fier c’est d’être devenu une personne avec des intérêts étendus. Je joue de la musique dans la rue (depuis 2005) mais je m’intéresse à la bourse (depuis 2008). J’aime la science (depuis toujours), mais je fais du vélo (surtout depuis 2001). Je me fais un potager (depuis au moins 10 ans) et j’ai un blog (depuis 2005). Je fais du kayak sur le fleuve (depuis 2009) et je suis abonné à la bibliothèque (depuis 2003?). Je pense être assez fonceur et avoir plus d’audace que la majorité des gens. Je suis capable d’analyser les événements de la vie à ma façon, sans reprendre le mode de pensée d’un journaliste, d’un artiste ou d’un quelconque leader.

Le fait que je sois ainsi ne mérite pas d’éloges, ne sauve la vie à personne et ne donne pas de sens à l’existence de qui que ce soit, excepté à la mienne. Mais à défaut d’être une vedette ou une personne importante, je n’ai pas l’impression d’être une personne « moyenne ». Et je crois que c’est au courant de ma vingtaine que j’ai développé une partie appréciable de ce qui fait de moi une personne à l’aise avec ce qu’elle est.

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